Winnipeg n’échappe pas aux ravages de l’épidémie de grippe qui touche une bonne partie de la planète en 1918. Les responsables municipaux font état de 1 200 décès attribuables à la grippe à l’automne de 1918. Des milliers d’autres tombent malades. L’épidémie frappe des familles partout dans la ville. Les quartiers ouvriers subissent les pires ravages, les immigrants étant le plus touchés. Les familles fortunées vivent dans de meilleures conditions sanitaires, limitant la propagation de la maladie, et les personnes qui tombent malades ont accès à de meilleurs soins de santé. La grippe tue des familles entières, laisse des orphelins et fait des parents seuls de nombreux adultes. L’avenir des immigrants et des ouvriers et, en particulier, celui des femmes, est plutôt sombre. Ils n’ont pas accès aux ressources dont disposent les habitants les plus fortunés de la ville pour améliorer leurs conditions de vie.

L’épidémie est l’une des causes des perturbations sociales de 1919. L’entraide qui est favorisée dans les quartiers ouvriers par la crise contribue à renforcer la solidarité sociale, alors que la réaction lente et inadéquate du gouvernement suscite la colère. Le fait qu’il n’est pas disposé à faire participer le secteur syndical dans la prise de décisions relatives aux questions de santé publique alimente également la frustration des travailleurs. L’interdiction de tenir des rassemblements publics dans les derniers jours de l’épidémie en mène plusieurs à conclure que les restrictions visent à perturber l’organisation syndicale.

Les femmes ouvrières et immigrantes jouent un rôle capital dans le soin des maladies, un travail qui passe largement inaperçu. Les chefs syndicaux de sexe masculin réagissent de façon traditionnelle, supposant que les femmes joueront le rôle de mères et de soignantes et les hommes celui de soutien de famille. Même les nombreuses femmes de la classe moyenne qui sont politiquement émancipées n’arrivent pas à changer la mentalité patriarcale de l’époque.

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Ethel Johns

L’hôpital pour enfants s’occupe des enfants qui tombent malades et ceux dont les parents sont souffrants ou décédés durant l’épidémie. Les patrons de la directrice des soins infirmiers, Ethel Johns, vantent l’approche « efficace, innovante et dynamique » de sa gestion de l’établissement. Ils lui reconnaissent le mérite de « l’esprit splendide des infirmières, des étudiants et du personnel d’entretien durant cette période difficile* ». <--caption--> Mais Madame Johns éprouve des difficultés en 1919 après qu’elle eut accueilli des grévistes qui faisaient la livraison du lait et qui s’étaient présentés pour réparer les graves dégâts causés par une tempête. Le conseil d’administration et l’association féminine de l’hôpital qui avaient pris parti pour le Comité citoyen ont exigé sa démission. Ethel Johns est obligée de quitter Winnipeg pour trouver du travail. Elle est devenue l’une des infirmières les plus connues et les plus respectées du monde occidental.

* Harry Medovy, A Vision Fulfilled: The Story of the Children’s Hospital of Winnipeg (1979), p. 136 et 137