En 1919, le chemin de fer Canadien Pacifique et le chemin de fer Canadien National emploient environ 10 000 travailleurs à Winnipeg et à Transcona tout près. Les opérations ferroviaires sont complexes et divers types de travailleurs qualifiés et encore beaucoup plus d’ouvriers non qualifiés sont nécessaires pour assurer l’entretien du système ferroviaire, faire rouler les trains et gérer le trafic des marchandises et des voyageurs qui passent par Winnipeg. Les ateliers Weston – l’un de plusieurs lieux de travail exploités par les compagnies ferroviaires dans la ville – ont à leur emploi des centaines de machinistes, mouleurs, plombiers, tuyauteurs et autres travailleurs qualifiés. Un grand nombre d’ouvriers spécialisés et non spécialisés y trouvent aussi du travail. Ces employés réparent les moteurs à vapeur, ainsi que les wagons à marchandises et les voitures à voyageurs. Ils forgent de l’acier pour fabriquer des rails et effectuent de nombreuses autres tâches essentielles à l’exploitation du chemin de fer. Il ne reste plus aujourd’hui que quelques bâtiments d’origine.

Les longues heures de travail, l’environnement bruyant, les travaux salissants et les faibles salaires au sein de ces industries poussent les travailleurs qualifiés à créer 19 syndicats de métier différents avant la Première Guerre mondiale.<--caption--> Durant la guerre, ces syndicats forment le Metal Trades Council dans le but d’augmenter leur pouvoir de négociation avec le Canadien Pacifique. Toutefois, comme ces syndicats représentent des corps de métier déterminés, les ouvriers spécialisés et non spécialisés des ateliers ne sont pas syndiqués. R. B. Russell, Dick Johns et leurs sympathisants mettent en cause cette structure rigide et proposent de remplacer les syndicats de métier par un seul grand syndicat industriel qui représenterait tous les travailleurs des ateliers ferroviaires.

<--column break-->

Au printemps 1919, Russell et Johns collaborent également avec d’autres dirigeants socialistes dans tout le Canada pour créer un gros syndicat, One Big Union. S’inscrivant dans le prolongement du modèle de syndicat industriel qui se développait dans les ateliers ferroviaires, l’OBU devait regrouper tous les travailleurs canadiens – indépendamment de leurs qualifications, de leur sexe, de leur race ou de leur ethnie – en un <--caption--> seul syndicat industriel. Russell, Johns et d’autres avaient contesté l’exclusion des travailleurs noirs de l’Association internationale des machinistes dans les années précédant la guerre. Cela pourrait expliquer pourquoi les membres du nouveau syndicat des employés des wagons-lits, entièrement composé de Noirs, votent à 67 contre 2 en faveur de la participation à la Grève générale de Winnipeg, selon le Western Labor News du 16 mai.